Lumière sur la méridienne du musée - Journées du Patrimoine
Monsieur Bonnin, vous êtes archéologue cadranier gnomoniste, en quoi consiste votre métier ?
J’étudie les cadrans solaires historiques sur des monuments historiques ou tous types d’édifices. Le cadranier réalise les cadrans solaires, le gnomoniste effectue les calculs nécessaires à la réalisation d'un cadran solaire fonctionnel. Mon métier consiste à faire une étude préalable, proposer un protocole de restauration, valider le protocole avec le commanditaire et commencer la restauration. C’est-à-dire, regraver l’ensemble des lignes lorsqu’il y a besoin, les signes astrologiques, les chiffres. Recréer les éléments s’ils ont disparu, les mettre en pigments en fonction des couleurs découvertes ou du protocole accepté, recalculé le cadran pour qu’il soit, si possible, juste. Il s’agit aussi du travail du métal sur les aiguilles ou alors cas particulier, ici un œilleton que je vais devoir créer.
Comment devient-on archéologue cadranier gnomoniste ?
Tout simplement par hasard et par choix, par rencontres et opportunités. Après ma thèse en archéologie romaine sur les cadrans solaires romains j’ai décidé de lancer ma propre entreprise pour diverses raisons, l’une d’elles est qu’il n’y a pas beaucoup de jobs pour les docteurs en archéologie en France. J’ai donc créé ma micro entreprise de restauration de cadrans solaires en 2013.
Quelles sont les différentes étapes de la restauration de la méridienne du musée ?
La première opération était de comprendre la méridienne car elle n’était pas visible. Il a fallu prendre des mesures, prendre des photos, analyser l’ensemble des données, extraire du tracé les paramètres gnomoniques, c’est à dire extraire de ce que l’on voit les éléments mathématiques qui ont permis de la réaliser. Ce serait beaucoup plus facile si nous avions les archives et les mesures du cadranier de l’époque !
En second lieu, il a fallu reprendre le tracé et vérifier :
- que l’orientation du mur correspondait au tracé qui a été fait car ici le mur n’est pas plein sud, il est déclinant de 36,66 °. Une forte déclinaison vers l’après midi, le cadran ne fonctionnera donc pas le matin ou très peu, mais fonctionnera très bien l’après-midi.
- que le constructeur a bien vu qu’il y avait une déclinaison, ils savaient la calculer bien évidemment au 18e et avant. Apparemment ici il n’y a pas d’erreur.
- que les lignes horaires étaient placées au bon endroit par rapport à la déclinaison et à la latitude du lieu. J’ai remarqué quelques toutes petites erreurs.
- que les signes du zodiaque correspondaient bien au tracé mathématique et au tracé réel et là, il y a 5 à 6 cm de décalage par rapport à la théorie au niveau du capricorne (solstice d’hiver) et au niveau du cancer (solstice d’été).
Ensuite j’ai regravé l’ensemble des éléments (chiffres, signes du zodiaque, graduations, décans, lignes horaires) au ciseau et à la massette centimètre par centimètre comme autrefois, la pierre a été fortement érodée.
Puis vint la remise en peinture de l’ensemble des éléments avec des pigments naturels : noir d’ivoire, ocre rouge pour les corrections, tout cela stabilisé avec une résine synthétique. Ce ne sont pas les couleurs d’origine. Le protocole de restauration décidé par la conservatrice stipule que les restaurations seraient en noir mais que les corrections seraient en rouge pour ne pas tromper le visiteur. Le noir c’est plutôt par habitude, la plupart des cadrans sont en noir ou en brun noir. Comme nous n’avons aucune information sur celui-ci, nous faisons comme pour la majorité des cas.
Enfin, il faut recréer et replacer l’œilleton. Scoop en avant première ! Il va se trouver dans la fenêtre ! Nous n’avons pas le choix, il était comme ça à l’origine, au 18e siècle. Le point utile, il n’y en a qu’un seul, se trouve dans la fenêtre !
De qui vous êtes-vous entouré pour réaliser ce travail ?
Je ne suis jamais tout seul ! Sauf pour des cadrans simples mais celui-ci est plutôt compliqué. Monsieur Pierre Berriot, cadranier, m’a aidé pour prendre la déclinaison gnomonique du mur, c’est lui qui m’a formé à la gravure. Pour tout ce qui est calcul de la méridienne et mise en place de l’œilleton c’est Denis Savoie, directeur de la médiation scientifique et de l'éducation à Universcience et référence en matière de cadran solaire qui m’a beaucoup aidé.
Pourquoi une aussi grande méridienne ici ?
Ici, nous sommes encastrés dans un passage alors plus la méridienne sera grande, plus on aura une précision importante et plus on va pouvoir s’approcher de 12h pile. La hauteur est nécessaire pour obtenir une grande ampleur de soleil et de marquage. Par ailleurs, le gnomoniste du 18e siècle qui a réalisé cette méridienne a voulu faire valoir ses compétences, sa connaissance du monde, en montrant les saisons, d’où cette hauteur. Ce n’est pas l’œuvre d’un néophyte, clairement, vu comment est positionné l’œilleton.
La méridienne sera t-elle fonctionnelle ?
Oui ! Si nos calculs sont bons et si l’on parvient à fixer l’œilleton où il faut !
Pour comprendre le fonctionnement de la méridienne, le public devra se montrer un peu curieux. Un cartel expliquera ce qu’est une méridienne, pourquoi a-t-on besoin de 12h pile, comment lire l’heure étant donné l’équation du temps, le temps légal, l’heure d’été et l’heure d’hiver, les différences de longitude, bref, tout ce qui fait que notre montre ne nous donne pas l’heure du soleil. Grâce à des calculs réalisés et expliqués en amont, le visiteur pourra faire facilement la conversion entre l’heure de sa montre et l’heure de la méridienne ou inversement.